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ENTRETIEN - Dans son documentaire Nul homme n'est une île, Dominique Marchais nous raconte le mode de vie d'hommes et de femmes qui agissent localement pour protéger leur environnement.

En Sicile, c'est une coopérative d'agriculteurs qui luttent pour cultiver leurs terres, malgré l'autoroute qui avance. Dans les montagnes suisses, c'est un architecte qui crée des bâtiments en bois local, pour transmettre le savoir-faire autour de ce matériau. En Autriche, ce sont des maires, des artisans, des architectes, qui s'engagent pour la transition énergétique et construisent des maisons passives, toujours en bois.

Autant de rencontres que propose le réalisateur Dominique Marchais dans son documentaire Nul homme n'est une île, sorti au cinéma le 4 avril 2018. Il nous raconte comment il est possible de redonner vie à la campagne tout en protégeant l'environnement. Entretien.

Quels sont les grands défis auxquels sont confrontées les campagnes aujourd'hui ?

Le premier défi est l'exode de la jeunesse qui n'a envie ni de faire de l'agriculture, ni de l'artisanat. Comme le dit le menuisier Markus Faisst dans le documentaire, les gens subissent l'attractivité de la ville comme un sortilège.

Il y a tout un travail de pédagogie à faire pour redonner du sens à ces beaux métiers. La Galline Felice (la coopérative des “poules heureuses” que Dominique Marchais présente dans son film, ndlr.) montre qu'il est possible de faire de l'agriculture en Sicile et d'être en contact avec des citoyens solidaires partout en Europe. La solution pour l'agriculture, ce sont les circuits-courts, avec le moins d'intermédiaires possibles.

Pour l'artisanat, il n'y a pas de solution sans coopération. Ce n'est pas possible de rester petit dans son coin, il faut se fédérer pour se rendre visible et mutualiser les coûts. La coopérative Werkraum, dans le Voralberg en Autriche, fait ça très bien. Ils regroupent tous types d'artisans, des charpentiers, des fabricants de fenêtres, de la maroquinerie… Ils ont en plus créé un très beau lieu, à la fois lieu d'exposition, de formation et de sociabilité.

© La coopérative des Poules Heureuses en Sicile Nul homme n'est une île - Zadig Films

Comment l'architecture peut-elle aider à garder les campagnes dynamiques ?

L'architecture pose la question des savoir-faire locaux, des matériaux et des ressources locales. En Suisse, à Vrin, c'est l'architecture qui a apporté des solutions à l'agriculture. L'architecte Gion A. Caminada y a construit des bâtiments modernes adaptés aux machines agricoles, en matériaux locaux.

Dans le Voralberg, où l'on a construit en parpaings après la Seconde Guerre Mondiale, un petit groupe d'architectes, les Baukünstler (artistes de la construction, ndlr.) a redonné ses lettres de noblesse au bois, qui était considéré comme le matériau du pauvre.

Des maires ont passé commande de beaux bâtiments auprès des Baukünstler. Cela a apporté des services dans les bourgs, des bibliothèques, des crèches, des écoles. C'est aussi un processus participatif, dans lequel les habitants énoncent leurs besoins.

C'est ce qui explique votre titre, Nul homme n'est une île ?

Oui. Quand on est dans une situation très dure, avec une mise en concurrence général, il faut trouver les termes de la coopération. On ne s'émancipe que par le collectif.