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PORTRAIT - Elle a fait de son immeuble une famille, de sa rue un petit village. Rencontre avec Loulou Fernandes, concierge dans le 17ème arrondissement de Paris, héroïne engagée et solidaire.

Difficile de ne pas penser au roman de Muriel Barbery, L'Élégance du hérisson, quand on passe la porte de la loge de Lourdes Fernandes, dite “Loulou”. Ce personnage solaire de 52 ans illumine la pièce grâce à son sourire bienveillant.

A priori, Renée, l'héroïne du roman, femme isolée et revêche ne ressemble en rien à la chaleureuse Loulou. Pourtant elles partagent une caractéristique commune : celle d'être à des années lumières de l'idée que l'on peut se faire d'une concierge.

Une concierge du 21ème siècle

Les gens ont encore à l'esprit l'image de la concierge des années 60, avec sa blouse et son balai qui surveillait les allées venues des habitants depuis sa porte. Ce n'est plus le cas du tout, on a un métier qui a beaucoup de valeur”, s'exclame-t-elle.

D'ailleurs quand on lui fait remarquer que c'est la première fois que l'on entre dans une loge de concierge, elle réplique aussitôt : “chez moi c'est toujours ouvert. Quand les enfants et leurs parents poussent ma porte, ils sont toujours les bienvenus”.

Et d'ajouter “quand j'ouvre ma porte, j'ouvre mon cœur”.

Transformer une rue en village

Car Loulou est parvenue à créer une dynamique rare au sein de son immeuble : tisser un lien fort et durable entre les habitants. “Il y a 4 ans, quand j'ai organisé ma première fête dans la rue, j'avais peur que personne ne vienne, raconte Loulou. Au final, nous avons été entre 800 et 1 000 personnes à trinquer ensemble !

Les fêtes entre voisins sont monnaie courante et la rue Gauthey a été surnommée “le village Gauthey” par Loulou et les habitants du 17ème arrondissement. “La rue c'est mon village, l'immeuble est devenu ma famille.

Remarquée pour ses nombreuses initiatives et son goût pour l'entraide, elle a même reçu un diplôme “d'ange gardien” remis par la mairie de son arrondissement. Elle est d'ailleurs désignée deuxième meilleure gardienne d'immeuble de Paris en 2012. Une référence donc !

Depuis, les fêtes de Loulou sont devenues des moments fédérateurs que tous les habitants du quartier attendent avec impatience. Celle qui a quitté son village si jeune, s'en est créée un nouveau dans cette petite rue parisienne.

Un goût pour le partage et le contact

Peut-être est-ce parce qu'elle a quitté le sien, très jeune ? Lourdes est arrivée en France à l'âge de 15 ans après avoir quitté la petite ville de Cambra au Portugal, dans l'espoir de trouver un travail.

Une dizaine d'années plus tard, l'opportunité de travailler en tant que concierge se présente, dans un immeuble de la rue Gauthey dans le 17ème arrondissement de Paris. Elle est alors âgée de 27 ans et à deux enfants. Elle n'hésite pas une seconde.

Le profil de Loulou plait tout de suite à la propriétaire de l'immeuble qui cherche une personne chaleureuse, désireuse de créer du lien social. “Le monsieur que j'ai remplacé était un ancien militaire qui demandait aux visiteurs leur carte d'identité. C'est quelqu'un qui n'aimait pas les gens”, raconte-t-elle.

Très vite, Lourdes et son mari mettent en pratique leur goût pour le contact et le partage. Un vent nouveau souffle sur l'immeuble. Un jour ils se lancent et ouvrent leur porte à l'occasion du Beaujolais Nouveau.

Elle se souvient : “Au départ les gens passaient timidement, puis en repartant tout le monde se tutoyait.

La solidarité comme mot d'ordre

Cet esprit solidaire ne l'abandonne jamais, surtout pas pour les fêtes de fin d'année. Loulou organise tous les ans, des repas de Noël solidaires au cours desquels elle invite à sa table des personnes isolées du quartier.

Celle qui a connu la solitude en arrivant en France connait cette douleur et fait tout son possible pour venir en aide à celles et ceux qui n'ont pas de famille pour profiter de ce moment de convivialité.

Son engagement dépasse largement ses obligations professionnelles. Pourtant, elle espère pouvoir exercer ce métier qu'elle aime le plus longtemps possible et contribuer à sa manière à revaloriser la profession auprès de ses homologues et des autres.

Animée par cette passion du vivre ensemble, elle est d'ailleurs la porte parole du réseau “gardiennes solidaires”, qui est en cours de création. “Je veux développer un réseau d'entraide et de partage entre toutes les gardiennes de France. La solidarité de proximité passe essentiellement par nous, nous devons nous organiser”, explique-t-elle avec détermination.

Quand on quitte la loge de Loulou, on se demande si on a eu affaire à une héroïne des temps modernes ou si c'est le manque d'humanité de notre époque qui la rend exceptionnelle. Peu importe, passer un peu de temps en sa compagnie, fait du bien et c'est le principal.